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f. 58 v°
f. 61 r°
f. 61 v°
f. 67 v°
La fable de Biblis traduycte de la metamorphose Dd’ouideOvide
BIblisBiblis du feu cupidinicque esprise
Fut de l’amour d’ung sien frere surprise
Non comme seur :, ou par raison l’aymant,
Elle pour vray aà son commencement
5N’entend que vault l’amoureuse estincelle
Qui quelque foys en ieunejeune cueur se celle,
Et si ne peult aulcunement penser
Qu’en le baisant elle puisse offencer
Et cuyde bien luy estre tresdecent
10Quant de ses bras elle va l’ambrassant.
Ainsi souuentsouvent soubz vmbreumbre de pitiepitié
(VmbreUmbre menteuse) en si folle amytieamytié
Se treuuetreuve prinse :, et grandement decepueuedecepveue.
L’amour se croist peu aà peu :, iaja conceue
15Dedans son cueur :, et pour son frere veoir
Vient accoustreeaccoustrée :, en faisant son pouoirpovoir
IeJe ditz trop plus qu’il n’affiert aà pucelle
f. 59 r°
De se parer :, pour estre veue belle
Et iaja si fort est en amour rauyeravye
20Qu’aà sa pareille en beaultebeaulté porte enuieenvie.
Point ne congnoist encores sa chaleur
Et si ne faict aucun veu de valeur,
Et neantmoins les amoureuses pailles
Bruslent son corps :, et toutes ses entrailles
25Si que desiadesja pour plus extreme honneur
Elle son frere appelle son seigneur
Et hayt le nom de consanguiniteconsanguinité,
Aymante plus beaucoup en veriteverité
Se ouir nommer Biblis que non pas seur.
30D’aulcune part son espoir ne send seur
Et si ne peult delaisser l’entreprise
Du fol amour :, dont elle se veoit prise.
SouuenteffoysSouventeffoys en si doubteulx tourmẽttourment
Luy est aduisadvis mesmes en son dormant
35Que son frere est du tout en sa puissance
Et qu’elle en prend entiere iouissancejouissance
De ses desirs/, lors combien qu’elle songe
VngUng effect faulx/, et remply de mensonge,
Si est il :, que son corps mignon :, et gent
40Est tout honteulx d’estre tel cas songeant.
Hors le dormir :, se trouuentetrouvente esueilleeesveillée
Assez long temps se taist esmerueilleeesmerveillée
f. 59 v°
Et ruminant son songe., tresdoubteuse
A dit cecy. : « OÔ femme malheureuse,
45Quel adueniradvenir :, mais quel augurement
Puis ieje penser :, d’ung si doulx songement
Que ne vouldroys ores me estre advenu
Puis que l’effect n’est auecqavecq luy venu ?
Que ditz ieje, las, ieje ne vouldroys pour rien
50Que ieje eusse esteesté en dormant sans ce bien
Qui mon esperit au resueilresveil a deceu.
Dont me vient il que ce songe ay cõceuconceu ?
Certaine suis qu’on m’en pourra blasmer ;
Il m’est besoing touteffoys de l’aymer
55Veu sa beaultebeaulté qu’il assemble aà mes yeulx,
S’il ne m’estoit frere :, trop beaucoup mieulx
IeJe l’aymeroye : Il estoit de moy digne,
D’estre sa seur m’est nuisant :, et indigne.
IeJe prie aà dieu que telz songes souuentsouvent
60Soit mon esprit endormy poursuiuantpoursuivant,
AÀ tout le moins si ieje ne faitz veillante
L’acte :, ouquel tend le bien de moy dolente,
Car en songeant encores qu’il soit loing
Cil qui du faict pourroit estre tesmoing
65Loing ne sera de mes membres boutebouté
Le tenebreulx plaisir :, ou voluptevolupté.
Helas Venus :, oô Cupido son filz
f. 60 r°
Quante liesse :, et quant soulas me fiz
Lors que tourna celle ioyejoye sa voille
70DeuersDevers le port de ma lubricque moille !
Le souuenirsouvenir de ce contentement
Soubdain passepassé : me faict allegement
De ma douleur :, et amoureuse peine.
La nuyt fut courte :, ẽnuyeuseennuyeuse :, &et soubdaine,
75Contrariant aà ma premiere suyte.
Ha s’il m’estoit aucunement licite
De t’esposer sans aulcun vitupere,
Quel bien ij’auroys d’estre fille aà ton pere,
Et toy Caunus d’estre aussi du mien gendre.
80SelõSelon mõmon cueur dieu pourroit l’effet rẽdrerendre
Si nous estions conioingsconjoings en toute chose
Fors en parens. Pleust aà cil qui dispose
Selon son vueil de tout :, que dauentaigedaventaige
Que n’est le mien fust hault ton parentaige
85Et que ton sang n’eust point le mien esteesté.
Qu’il m’est facheux (c’est vngung cas arrestearresté)
Que tu ne peulx aultre que frere me m’estre
Et comme puis facillement congnoistre
Ce seul ij’auray qui empesche l’effect.
90Doncques que peult le songe q̄que ij’ay faict
Signifier ? Quel poix peult il auoiravoir ?
(Ont songes poix) il est aysay aà veoir
f. 60 v°
Que de trop mieulx il en aduiẽtadvient aux dieux
Qu’aà nous humains (le cas est odieulx
95Car les leurs seurs espouser ont ozeozé),
Ce n’est mensonge : ainsi fut espouseespousé
AuecquesAvecques Ops le pesant Saturnus,
Thetis aussi auecqavecq Occeanus,
AuecqAvecq IunoJuno coniointconjoint pareillement
100Fut IupiterJupiter. Il semble proprement
Que pour eulx sont les loix :, et non pour noꝰnous
Qui les seruonsservons aà couldes/, et genoulx.
S’il est ainsi :, aux cellestes estendre
Les faictz humains :, q̄que me vault entreprẽdreentreprendre
105Petit/, ou rien. Fault doncq q̄que ce dardeur
Chasse de moy vneune si grande ardeur,
Et si ne puis en estre desuestuedesvestue
IeJe luy requiers :, qu’en brieftemps il me tue
Et que ieje soye apresaprès le mourir mise
110Dedans vngung lict :, ouoù cil que tant ieje prise
Me vienne veoir/, et baiser toute morte,
IeJe l’ayme plus :, que viurevivre en ceste sorte.
Las mon soubhait veult l’arbitre de deux
Fains de me plaire :, amy :, pour qui me deulx.
115Tu ne pourroys :, attendu que pour vices
Reputeroys les amoureulx seruicesservices
Qui de par toy me seroyent octroyez.
Les aeolidesÆolides ne se sont foruoyezforvoyez
Et n’ont point craint les sororicques litz
120Pour en cueillir leurs plaisirs/, et deslitz.
Pourquoy metz ieje ces propos en essence ?
Mais dont viẽtvient il ?, que d’eulx ij’ay cõgnoissancecongnoissance,
Vers quelle part suis ieje transporteetransportée ores ?
Feu maculemaculé :, qui tant me deshonnores
125Fuy t’en de moy : ieje ne veulx faire suyte
Du frere mien :, fors comme il m’est licite.
S’il touteffoys pris premier eust esteesté
De mon amour :, bien tost ieje l’eusse osteosté
De sa fureur. Puis qu’il est doncque aĩsiainsi
130Que de son mal m’eust prins certain mercy
(S’il l’eust requis), ieje ne m’estrangeray
De sa pitiepitié :, ains luy demanderay.
Pourray ieje bien parler pour l’aduertiradvertir :,
Pourray ieje bien de bouche consentir
135Si folle amour ? ieJe le pourray bien faire
Car adà cella amours (sans me desplaire)
M’y contraindra et s’il aduientadvient que honte
De mon parler l’entreprise surmonte,
IeJe pourray faire vneune patante lettre
140OuOù ij’escriurayescrivray en prose/, ou bien en mettre
Les griefz tourmens que me faict amytieamytié
AÀ celle fin qu’il ayt de moy pitié. »
Cecy luy plaist/, et pource que l’affolle
Le feu d’amours : deliberre la folle
145De luy rescripre. Alors presprès d’ũgung popistre
Pour composer son amoureuse epistre
Se tient de tout :, sur son coulde senestre
Toute appuieeappuiée. « Ha (dist elle) cõgnoistrecongnoistre
Il pourra bien s’elles sont recenseesrecensées
150Mes grans douleurs :, et amours incenseesincensées.
OÔ quel labeur :, quelle peine appercoitapperçoit
Mon pourepovre esperit ?, quelle flamme concoitconçoit
Mon pensement ? » En ces motz proposãtproposant
Toute pensiuepensive elle alloit composant
155Motz iaja pẽsezpensez. Sa main dextre peu seure
Soubtient vngung fer :, pour faire l’escripture,
L’autre vngung papier :, ouoù d’escript n’y a goutte ;
Elle commẽcecommence :, et aussi soubdain doubte
Puis elle escript :, puis comme folle femme
160Son escripture :, et sa lettre diffame,
Puis elle note :, et peu apresaprès efface
D’ancre/, ou de pleurs coulantes de sa face.
Elle transmue :, elle blasme :, elle approuueapprouve,
Elle la laisse :, et puis elle la trouuetrouve
165Dedans ses mains. : en si doubteux affaire
Elle ne scet proprement que doibt faire.
Tout luy desplaist : cuidant estre affolleeaffollée
f. 62 r°
S’elle consend telle amour :, enmesleeenmeslée
Touteffoys est auecquesavecques honte audace.
170Seur auoitavoit mis :, seur tout soudain efface,
Prins le papier d’une assurance forte
Ses pensemens y met en ceste sorte :
La lettre de Biblis aà Caunus.
Cestuy escript ton amye t’enuoyeenvoye
Ha q̄que ij’ay honte :, honte q̄que le nõnom veoye
175Cy imprimeimprimé. Si tu veulx faire enqueste
De ce que veulx demander par requeste,
IeJe vouldroys bien ores me estre permis
Sans que mon nom y fust escript ou mis
Que tresbien fust ma cause debatue
180Et que Biblis ieje ne fusse congneue
IusquesJusques au temps que l’esperance vaine
Fust aà mon cueur veritable :, et certaine.
Ma maigretemaigreté/, ma couleur/, mon visaige
Du blessement de mon triste couraige
185ToutT’ont peu donner vngung merueilleuxmerveilleux indice
Mes yeulx pleurãspleurans :, mes soupirs sãssans malice,
Mes embrassers frequens (si d’auentureaventure
Les as notez) t’ont donnedonné coniectureconjecture
De mon amour. Mes baisers toutt’ont fait seur
f. 62 v°
190Qu’ilz ne venoyent ainsi que de ta seur.
Pour vray cõbiencombien ij’eusse griefuegriefve blessure
Et qu’en mon corps fust furieuse arsure,
Si esse bien (les dieux m’en soyent tesmoĩgstesmoings)
Que ij’ay tout faict :, aucune part du moings
195AÀ celle fin que ieje fusse plus saine,
IJ’ay bataillebataillé long temps en sorte vaine
Pour euitereviter l’armure trespuissante
De Cupido :, pour moy trop viollante,
Ouy plus beaucoup qu’il n’affiert aà pucelle
200Qui maintenant vainqueue te descelle
Son grant tourment., requerant ton secours
En veulx trẽblãstremblans. Mes ioursjours peulx faire cours
Si tu le veulx et en ayant enuieenvie
De me guerir peulx alonger ma vie ;
205Helas des deux vueille le choix eslire
Et s’il te plaist au long mon escript lire
Tu congnoistras n’estre ton ennemye
Qui te supplie :, ains ta parfaicte amye.
Laquelle si t’est de sang tresprochaine
210Il est besoing que tu mettes la peine
De l’aprocher, ieje te ditz de plus presprès
En la prenant pour femme cy apresaprès.
C’est auaux vieillars :, et hommes antiens
D’estre des loix :, et coustumes sciens
f. 63 r°
215Et de scauoirsçavoir le bien du mal choisir,
Laissons cela aà eulx : quant au plaisir
Et voluptevolupté :, selon le mien couraige
Propres les voy aà nostre puerille aage,
Nous ne scauonssçavons encor qui est licite.
220Tout nous est bon., &et aà ce nous incite
L’acte/, les faictz/, et l’exemple des dieux.
Nostre dur pere aà noz faitz odieux/,
L’honneur/, la craincte/, aussi la reuerencereverence
D’honnestetehonnesteté :, l’effect de la plaisance
225N’empescheront. Soyons tant seullement
PriuezPrivez de peur. Nostre desrobement
Nous cacherons soubz le fraternel nom.
Il m’est permis sans blesser mon renom
Ny mon honneur :, auecquesavecques toy parler
230Secrettement : ; si oultre fault aller
PouuonsPouvons donner l’ung aà l’autre baisers
DeuantDevant chascun : ; pouonspovons faire ambrassers
Sans qu’il y ayt souspeconsouspeçon de meffaict,
OÔ qu’il m’est grief que ce cas ne cese faict !
235IeJe te requiers ne me voulloir blasmer
Si ieje confesse entierement t’aymer,
Ains prends mercy de la pourepovre doullante
Qui pour mourir ne te seroit donante
Confession d’une amour si peu saincte
f. 63 v°
240Se elle n’estoit de le faire contraincte.
Or ta beaultebeaulté ne me soit tant despite
Que de ma mort la cause soit escripte
Sur mon tombeau :, ou bien dessoubz la lame
OuOù sera mis mon corps priueprivé de l’ame.
Fin de la lettre
245En escripuantescripvant telles choses en venin
Le papier plain habendõnahabendonna sa main
Et fut escript le dernier mot si presprès
Du bout :, que rien on n’eust sceu metre apresaprès.
Incontinent au crime sien infame
250Mect son cachet :, lequel fut d’une gemme
Qu’elle arrousa de miserables pleurs
Car iaja estoit sa langue sans humeurs,
Puis appella vngung des seruiteursserviteurs siens
Luy promettant richesses/, et grans biens
255Dist. : « monMon amy ces lettres que t’acoustre
Porte soubdain ieje te requiers aà nostre
(Longtemps apresaprès elle y adioustaadjousta) frere. »
En les donnant de sa dextre misere
Tomba l’escript., duquel augurement
260Fut son esprit troubletroublé aulcunement
Et touteffoys aà l’enuoyerenvoyer ne pert.
Le seruiteurserviteur agille et tresexpert
f. 64 r°
Choisy le temps opportun :, et sans pose
S’en va porter la lettre qui est close
265AÀ son seigneur. Caunus le ieunejeune enfant
Tresesbahy :, et de courroux ronflant
Gette l’escript aà demy lict en terre,
Dist au porteur. : « fuyFuy t’en de moy grant erre
Quant t’est licite OÔ meschant seruiteurserviteur
270De cas si ort trescelleretrescelleré aucteur.
Si ce n’estoit que trop honny seroys
De te toucher., croy., Queque tu esseroys
Par mort :, la peine ores que tu merite.
Le messagier de craincte prend la fuyte
275Et au courir n’a iamaisjamais donnedonné cesse
Que de retour ne fust aà sa maistresse.
Luy retourneretourné ., aà la pucelle annonce
Le faict entier :, et la dure responce
Du frere sien. L’esconduyte entendue
280Pasle Biblis ta face s’est rendue
Et le tien corps par glacial froit prins
De tramblement merueilleuxmerveilleux fut surprins
Touteffoys quant ta memoire tevintrevint
Ensemblement vneune fureur te vint
285Et en grant peine enuoyasenvoyas parmy l’air
La voix presente et gracieulx parler.
Non sans merite. : « AÀ quelle intention
f. 64 v°
Ay ieje voullu de telle lesion
Faire l’essay par trop audatieuse
290Ce que debuoisdebvois celler pour estre heureuse,
Pourquoy si tost par malheureuse lettre
L’ay ieje voullu en euidanceevidance mettre ?
DeuantDevant qu’escripre il m’ettoit necessaire
Experiment par doubteux propos faire
295AÀ celle fin que n’eusse occasion
De poursuyuirpoursuyvir la fuyante action,
Et tout ainsi que le marinier saige
Veult essayer (craignant porter naufrage)
De son trinquet quelle part le vent tire,
300Ne plus ne moings pour fuyr mon martyre
DebuoisDebvois noter par faincte couuerturecouverture
Ce que trop tost ieje mis aà l’auentureaventure,
Qui est pourquoy aà present suis conduyte
Par durs rochiers :, en faisant la poursuyte
305De paruenirparvenir au port heureulx d’aymer
Et que ieje suis submergeesubmergée en la mer
Sans que ma nef aye aulcune puissance
D’auoiravoir iamaisjamais de ce port iouyssancejouyssance.
Quoy plus ? alorsAlors q̄que cõmandoiscommandois ma lettre
310Estre porteeportée :, et qu’elle de ma dextre
Tomber la vis :, ce me fut vngung augure
Duquel assez ieje debuoysdebvoys estre seure
f. 65 r°
De ne iouyrjouyr de l’amour pretendue.
Le mien escript l’esperance attendue
315A faict caducque :, et du desir loingtaine.
N’est il pas vray ? que si ij’eusse esteesté saine
De mon esprit :, pour vngung tel cas entendre
Que ij’eusse peu facillement comprendre
L’augur du iourjour :, ou de la voluptevolupté.
320Que dis ieje ? l’ung et l’autre soit osteosté
Car ce fut dieu qui lors aà moy indigne
De l’adueniradvenir me donna certain signe
Comme aà present tresclerement ieje voys.
Parler aà luy moymesmes ieje debuoysdebvoys
325Et luy ouurirouvrir mes fureurs :, sans commettre
Tout mon esprit :, aà vneune simple lettre ;
AÀ tout le moings en escoutant mes termes
Il eust peu veoir mes habondantes lermes
Et les faconsfaçons tristes de son amante.
330Trop plꝰplus beaucoup luy eusse esteesté dõnãtedonnante
De bons propos :, en le voyant au viz
Que ieje ne fiz lors que luy escripuizescripviz,
Encores plus aà son col reffusant
Eusse peu faire ambrassement plaisant,
335Et si par sort eust faict de moy reffuz
Il eust peu estre assez soubdain confuz
De me veoir morte :, au moins bienestonneebienestonnée
f. 65 v°
DeuantDevant ses piedz gisante prosterneeprosternée,
Le requerant de santesanté/, ou de vie,
340Et s’il n’eust eu aulcunement enuyeenvye
D’ung de ces cas aà mon vueil consentir,
Tous assemblez eussent peu conuertirconvertir
Son cruel cueur :, et son felon penser.
Le messagier l’a bien peu offencer
345Et du reffuz peult estre mouuementmouvement,
Ou bien vers luy n’est venu aptement
Et n’a eslit (ainsi que ieje l’entendz)
Ou convenable/, ou oportum le temps,
Ou bien il n’a choisy l’heure du iourjour
350Que son esprit pouoitpovoit estre en seioursejour.
Ces choses cy seulles m’õtont faict nuysance,
Car il n’a prins d’ung tygre sa naissance
Et en son cueur ne porte aulcunement
Le fer solide :, ou le tresdur aymant,
355Et si le cuyde homme si fort honneste
Qu’il n’a point beu du laict d’une grãtgrant beste
Par les latins nommeenommée Leena
Qui de doulceur/, et petiepitié vngung brain n’a ;
Vaincu sera : aborder le me fault.
360Plutost en moy l’esprit prendra deffault
Que mon desir soit en riens se facher
IusquesJusques aà tant que ieje puisse arracher
f. 66 r°
De son vouloir cella que ieje pensepensé
Et qui desiadesja par moy est ommencecommencé.
365Si reuocquerrevocquer les voulentesvoulentés des dieux
Fust en ma force :, ores pour mon mieulx
Ne commencassecommençasse aà tel cas entreprendre.
Puis que c’est fait., et que ieje voulu prẽdreprendre
Telle aduentureadventure :, il m’est besoing parfaire
370Ce qu’au principe ay coniectureconjecturé faire,
Car il ne peult comme il est maintenant
Estre tousiourstousjours du malfaict souuenantsouvenant
Que ieje poursuis (ce point seul cy me incite
AÀ pourchasser vngung tel cas non licite/).
375Encores si laissoys mon entreprise
IeJe seroys veue auoiravoir esteesté surprise
D’ung fol vouloir conceu legierement
Pour l’essayer fallacieusement,
Ou bien n’auoiravoir point esteesté inciteeincitée
380Par vray amour :, ains plustost inuiteeinvitée
Par ma luxure :, aà tel mal concepuoirconcepvoir
Pour son cueur chaste assez tost decepuoirdecepvoir.
Brief ieje ne puis que ieje n’aye faict chose
OuOù il ne soit offence grande close
385Car ij’ay escript :, et requis temeraire
Fut mon vouloir., et si ne se peult faire
Que n’aye coulpe en ce faict. DauẽtageDaventage
f. 66 v°
Mais que reste il ? deDe blasme ou de dõmaigedommaige
Ce m’est tout vngung : lieu aà honte ieje cede
390Mais que du tout mon plaisir ieje possede. »
Elle se teust en si grande discorde
De son esperit et luy plaist., et s’acorde
ParacheuerParachever du tout son entreprise
CombierCombien qu’assez luy fache l’auoiravoir prise,
395Et le moyen exedant met au pis
Estre ses ditz par reffus assouppis.
Durant ce temps :, et deuantdevant que la folle
Eust mis la fin aà l’amour :, qui l’affolle,
Caunus s’en fuyt du pays/, et du crime
400D’autre faisant trop plus beaucoup d’estime
Pour demeurer que nompas de sa terre.
Lors que le bruyt de son depart s’aserre
Dedans le cueur de la triste pucelle,
Folle deuintdevint (aumoins la fame est telle)
405Et de grant raige en tiremens resueulxresveulx
Romps ses habitz :, arrache ses cheueulxcheveulx,
Son tains tant beau :, et sa chair precieuse
Ainsi que femme hors du sens furieuse
Despesse/, et rompt par esgratinemens.
410AÀ toutes gens iaja ses actes demens
Estoyent aà veoir :, et clairement congneuz
Et le pourquoy dont ilz estoyent venuz,
f. 67 r°
C’est assauoirassavoir de ne pouoirpovoir iouirjouir
Du bien d’amours :, sans lequel :, le fuir
415De son pays luy fut plus gracieulx
Que demeurer en lieu si soucieulx.
Elle s’en va :, cerchant meilleur refuge
Pour poursuir le sien frere profuge,
Et tout ainsi que les femmes bachides
420De bon esperit/, et d’entendement vuydes
AÀ cellebrer les festes ont coustume
Du dieu Baccus q̃qui les leurs cueurs allume,
Ne plus ne moĩsmoins parmy champs/, et ꝑpar boys
Ont veu Biblis faire dolans aboys
425Celles qui sont les Bubasides dictes.
D’elles partie :, aux caresCares tresinclites
Puis les vaillans liliquesLiliques se soulcye
Soubdain passer pour aller en licyeLicye.
DesiaDesja auoitavoit les undes mis arriere
430De l’inirenIniren plantureuse riviere
Cragon, Xanthus/, dont auoitavoit faict depart,
AuoitAvoit laisselaissé bien loing de l’autre part
Et en fatigue :, et en douleur amere
AuoitAvoit passepassé le mont de la chimere
435Qui fut iadisjadis vneune terrible beste
Pource qu’elle eut d’ung fier lyon la teste,
Queue de serpent :, et de feu la poytrine.
Or iaja estoit toute l’hombre siluiuesilvine
BouteeBoutée au dotz :, et tous boys iaja passez
440Quant toy Biblis pour tes membres lassez
En poursuyuantpoursuyvant dessus la terre tombes
Et l’herbiz vert de ta bouche tu combles
Par ton trauailtravail aà peu presprès desiadesja morte.
SouuenteffoysSouventeffoys estant en telle sorte
445De te leuerlever :, et de te faire aydes
Mis en debuoirdebvoir se sont les legeidesLegeides.
SouuenteffoysSouventeffoys elles/, aà ton couraige
AÀ leurs propos sourt :, ont donnedonné soulage,
Te conseillant pour ta grande santesanté
450Que tel amour fust de toy absenteabsenté.
AÀ leur conseil muete/, et tresdolante
Sur la terre est Biblis tousiourstousjours gisante,
L’herbe tenant de ses ongles lors verte
Qu’elle a de pleurs/, et de lhermes couuertecouverte,
455Ausquelles pleurs par amytieamytié non vaine
Ont octroyeoctroyé les seurs naiades vaine
Qui ne se peult seicher en aucun temps.
Incontinant (ainsi que ieje l’entends),
Comme du pin couppecouppé sort eaue molle
460Comme aussi sort de grosse terre colle
Et que deuientdevient tresmoyte/, et humide
Par le soleil :, lors que gallerne vuide
f. 68 r°
De son climat :, pour souffler doulcement
Sur le terrestre :, et pesant element,
465Ainsi Biblis comme est la renommeerenommée
En ses doulleurs et lermes consommeeconsommée
Par le vouloir de la puissance haultaine
Fut conuertieconvertie en tresclere fontaine.