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f. 58 v°

La fable de Biblis traduycte de la metamorphose DdouideOvide

BIblisBiblis du feu cupidinicque esprise
Fut de lamour dung sien frere surprise
Non comme seur :, ou par raison laymant,
Elle pour vray aà son commencement
5Nentend que vault lamoureuse estincelle
Qui quelque foys en ieunejeune cueur se celle,
Et si ne peult aulcunement penser
Quen le baisant elle puisse offencer
Et cuyde bien luy estre tresdecent
10Quant de ses bras elle va lambrassant.
Ainsi souuentsouvent soubz vmbreumbre de pitiepitié
(VmbreUmbre menteuse) en si folle amytieamytié
Se treuuetreuve prinse :, et grandement decepueuedecepveue.
Lamour se croist peu aà peu :, iaja conceue
15Dedans son cueur :, et pour son frere veoir
Vient accoustreeaccoustrée :, en faisant son pouoirpovoir
IeJe ditz trop plus quil naffiert aà pucelle
f. 59 r°
De se parer :, pour estre veue belle
Et iaja si fort est en amour rauyeravye
20Quaà sa pareille en beaultebeaulté porte enuieenvie.
Point ne congnoist encores sa chaleur
Et si ne faict aucun veu de valeur,
Et neantmoins les amoureuses pailles
Bruslent son corps :, et toutes ses entrailles
25Si que desiadesja pour plus extreme honneur
Elle son frere appelle son seigneur
Et hayt le nom de consanguiniteconsanguinité,
Aymante plus beaucoup en veriteverité
Se ouir nommer Biblis que non pas seur.
30Daulcune part son espoir ne send seur
Et si ne peult delaisser lentreprise
Du fol amour :, dont elle se veoit prise.
SouuenteffoysSouventeffoys en si doubteulx tourmẽttourment
Luy est aduisadvis mesmes en son dormant
35Que son frere est du tout en sa puissance
Et quelle en prend entiere iouissancejouissance
De ses desirs/, lors combien quelle songe
VngUng effect faulx/, et remply de mensonge,
Si est il :, que son corps mignon :, et gent
40Est tout honteulx destre tel cas songeant.
Hors le dormir :, se trouuentetrouvente esueilleeesveillée
Assez long temps se taist esmerueilleeesmerveillée
f. 59 v°
Et ruminant son songe., tresdoubteuse
A dit cecy. : « OÔ femme malheureuse,
45Quel adueniradvenir :, mais quel augurement
Puis ieje penser :, dung si doulx songement
Que ne vouldroys ores me estre advenu
Puis que leffect nest auecqavecq luy venu ?
Que ditz ieje, las, ieje ne vouldroys pour rien
50Que ieje eusse esteesté en dormant sans ce bien
Qui mon esperit au resueilresveil a deceu.
Dont me vient il que ce songe ay cõceuconceu ?
Certaine suis quon men pourra blasmer ;
Il mest besoing touteffoys de laymer
55Veu sa beaultebeaulté quil assemble aà mes yeulx,
Sil ne mestoit frere :, trop beaucoup mieulx
IeJe laymeroye : Il estoit de moy digne,
Destre sa seur mest nuisant :, et indigne.
IeJe prie aà dieu que telz songes souuentsouvent
60Soit mon esprit endormy poursuiuantpoursuivant,
AÀ tout le moins si ieje ne faitz veillante
Lacte :, ouquel tend le bien de moy dolente,
Car en songeant encores quil soit loing
Cil qui du faict pourroit estre tesmoing
65Loing ne sera de mes membres boutebouté
Le tenebreulx plaisir :, ou voluptevolupté.
Helas Venus :, oô Cupido son filz
f. 60 r°
Quante liesse :, et quant soulas me fiz
Lors que tourna celle ioyejoye sa voille
70DeuersDevers le port de ma lubricque moille !
Le souuenirsouvenir de ce contentement
Soubdain passepassé : me faict allegement
De ma douleur :, et amoureuse peine.
La nuyt fut courte :, ẽnuyeuseennuyeuse :, &et soubdaine,
75Contrariant aà ma premiere suyte.
Ha sil mestoit aucunement licite
De tesposer sans aulcun vitupere,
Quel bien ijauroys destre fille aà ton pere,
Et toy Caunus destre aussi du mien gendre.
80SelõSelon mon cueur dieu pourroit leffet rẽdrerendre
Si nous estions conioingsconjoings en toute chose
Fors en parens. Pleust aà cil qui dispose
Selon son vueil de tout :, que dauentaigedaventaige
Que nest le mien fust hault ton parentaige
85Et que ton sang neust point le mien esteesté.
Quil mest facheux (cest vngung cas arrestearresté)
Que tu ne peulx aultre que frere me m’estre
Et comme puis facillement congnoistre
Ce seul ijauray qui empesche leffect.
90Doncques que peult le songe que ijay faict
Signifier ? Quel poix peult il auoiravoir ?
(Ont songes poix) il est aysay aà veoir
f. 60 v°
Que de trop mieulx il en aduiẽtadvient aux dieux
Quaà nous humains (le cas est odieulx
95Car les leurs seurs espouser ont ozeozé),
Ce nest mensonge : ainsi fut espouseespousé
AuecquesAvecques Ops le pesant Saturnus,
Thetis aussi auecqavecq Occeanus,
AuecqAvecq IunoJuno coniointconjoint pareillement
100Fut IupiterJupiter. Il semble proprement
Que pour eulx sont les loix :, et non pour noꝰnous
Qui les seruonsservons aà couldes/, et genoulx.
Sil est ainsi :, aux cellestes estendre
Les faictz humains :, que me vault entreprẽdreentreprendre
105Petit/, ou rien. Fault doncq que ce dardeur
Chasse de moy vneune si grande ardeur,
Et si ne puis en estre desuestuedesvestue
IeJe luy requiers :, quen brieftemps il me tue
Et que ieje soye apresaprès le mourir mise
110Dedans vngung lict :, ou cil que tant ieje prise
Me vienne veoir/, et baiser toute morte,
IeJe layme plus :, que viurevivre en ceste sorte.
Las mon soubhait veult larbitre de deux
Fains de me plaire :, amy :, pour qui me deulx.
115Tu ne pourroys :, attendu que pour vices
Reputeroys les amoureulx seruicesservices
Qui de par toy me seroyent octroyez.
f. 61 r°
Les aeolidesÆolides ne se sont foruoyezforvoyez
Et nont point craint les sororicques litz
120Pour en cueillir leurs plaisirs/, et deslitz.
Pourquoy metz ieje ces propos en essence ?
Mais dont viẽtvient il ?, que deulx ijay cõgnoissancecongnoissance,
Vers quelle part suis ieje transporteetransportée ores ?
Feu maculemaculé :, qui tant me deshonnores
125Fuy ten de moy : ieje ne veulx faire suyte
Du frere mien :, fors comme il mest licite.
Sil touteffoys pris premier eust esteesté
De mon amour :, bien tost ieje leusse osteosté
De sa fureur. Puis quil est doncque aĩsiainsi
130Que de son mal meust prins certain mercy
(Sil leust requis), ieje ne mestrangeray
De sa pitiepitié :, ains luy demanderay.
Pourray ieje bien parler pour laduertiradvertir :,
Pourray ieje bien de bouche consentir
135Si folle amour ? ieJe le pourray bien faire
Car adà cella amours (sans me desplaire)
My contraindra et sil aduientadvient que honte
De mon parler lentreprise surmonte,
IeJe pourray faire vneune patante lettre
140Ou ijescriurayescrivray en prose/, ou bien en mettre
Les griefz tourmens que me faict amytieamytié
AÀ celle fin qu’il ayt de moy pitié. »
f. 61 v°
Cecy luy plaist/, et pource que laffolle
Le feu damours : deliberre la folle
145De luy rescripre. Alors presprès dũgung popistre
Pour composer son amoureuse epistre
Se tient de tout :, sur son coulde senestre
Toute appuieeappuiée. « Ha (dist elle) cõgnoistrecongnoistre
Il pourra bien selles sont recenseesrecensées
150Mes grans douleurs :, et amours incenseesincensées.
OÔ quel labeur :, quelle peine appercoitapperçoit
Mon pourepovre esperit ?, quelle flamme concoitconçoit
Mon pensement ? » En ces motz proposãtproposant
Toute pensiuepensive elle alloit composant
155Motz iaja pẽsezpensez. Sa main dextre peu seure
Soubtient vngung fer :, pour faire lescripture,
Lautre vngung papier :, ou descript ny a goutte ;
Elle commẽcecommence :, et aussi soubdain doubte
Puis elle escript :, puis comme folle femme
160Son escripture :, et sa lettre diffame,
Puis elle note :, et peu apresaprès efface
Dancre/, ou de pleurs coulantes de sa face.
Elle transmue :, elle blasme :, elle approuueapprouve,
Elle la laisse :, et puis elle la trouuetrouve
165Dedans ses mains. : en si doubteux affaire
Elle ne scet proprement que doibt faire.
Tout luy desplaist : cuidant estre affolleeaffollée
f. 62 r°
Selle consend telle amour :, enmesleeenmeslée
Touteffoys est auecquesavecques honte audace.
170Seur auoitavoit mis :, seur tout soudain efface,
Prins le papier dune assurance forte
Ses pensemens y met en ceste sorte :

La lettre de Biblis aà Caunus.

Cestuy escript ton amye tenuoyeenvoye
Ha que ijay honte :, honte que le nom veoye
175Cy imprimeimprimé. Si tu veulx faire enqueste
De ce que veulx demander par requeste,
IeJe vouldroys bien ores me estre permis
Sans que mon nom y fust escript ou mis
Que tresbien fust ma cause debatue
180Et que Biblis ieje ne fusse congneue
IusquesJusques au temps que lesperance vaine
Fust aà mon cueur veritable :, et certaine.
Ma maigretemaigreté/, ma couleur/, mon visaige
Du blessement de mon triste couraige
185ToutT’ont peu donner vngung merueilleuxmerveilleux indice
Mes yeulx pleurãspleurans :, mes soupirs sãssans malice,
Mes embrassers frequens (si dauentureaventure
Les as notez) tont donnedonné coniectureconjecture
De mon amour. Mes baisers toutt’ont fait seur
f. 62 v°
190Quilz ne venoyent ainsi que de ta seur.
Pour vray cõbiencombien ijeusse griefuegriefve blessure
Et quen mon corps fust furieuse arsure,
Si esse bien (les dieux men soyent tesmoĩgstesmoings)
Que ijay tout faict :, aucune part du moings
195AÀ celle fin que ieje fusse plus saine,
IJay bataillebataillé long temps en sorte vaine
Pour euitereviter larmure trespuissante
De Cupido :, pour moy trop viollante,
Ouy plus beaucoup quil naffiert aà pucelle
200Qui maintenant vainqueue te descelle
Son grant tourment., requerant ton secours
En veulx trẽblãstremblans. Mes ioursjours peulx faire cours
Si tu le veulx et en ayant enuieenvie
De me guerir peulx alonger ma vie ;
205Helas des deux vueille le choix eslire
Et sil te plaist au long mon escript lire
Tu congnoistras nestre ton ennemye
Qui te supplie :, ains ta parfaicte amye.
Laquelle si test de sang tresprochaine
210Il est besoing que tu mettes la peine
De laprocher, ieje te ditz de plus presprès
En la prenant pour femme cy apresaprès.
Cest auaux vieillars :, et hommes antiens
Destre des loix :, et coustumes sciens
f. 63 r°
215Et de scauoirsçavoir le bien du mal choisir,
Laissons cela aà eulx : quant au plaisir
Et voluptevolupté :, selon le mien couraige
Propres les voy aà nostre puerille aage,
Nous ne scauonssçavons encor qui est licite.
220Tout nous est bon., &et aà ce nous incite
Lacte/, les faictz/, et lexemple des dieux.
Nostre dur pere aà noz faitz odieux/,
Lhonneur/, la craincte/, aussi la reuerencereverence
Dhonnestetehonnesteté :, leffect de la plaisance
225Nempescheront. Soyons tant seullement
PriuezPrivez de peur. Nostre desrobement
Nous cacherons soubz le fraternel nom.
Il mest permis sans blesser mon renom
Ny mon honneur :, auecquesavecques toy parler
230Secrettement : ; si oultre fault aller
PouuonsPouvons donner lung aà lautre baisers
DeuantDevant chascun : ; pouonspovons faire ambrassers
Sans quil y ayt souspeconsouspeçon de meffaict,
OÔ quil mest grief que ce cas ne cese faict !
235IeJe te requiers ne me voulloir blasmer
Si ieje confesse entierement taymer,
Ains prends mercy de la pourepovre doullante
Qui pour mourir ne te seroit donante
Confession dune amour si peu saincte
f. 63 v°
240Se elle nestoit de le faire contraincte.
Or ta beaultebeaulté ne me soit tant despite
Que de ma mort la cause soit escripte
Sur mon tombeau :, ou bien dessoubz la lame
Ou sera mis mon corps priueprivé de lame.
Fin de la lettre
245En escripuantescripvant telles choses en venin
Le papier plain habendõnahabendonna sa main
Et fut escript le dernier mot si presprès
Du bout :, que rien on neust sceu metre apresaprès.
Incontinent au crime sien infame
250Mect son cachet :, lequel fut dune gemme
Quelle arrousa de miserables pleurs
Car iaja estoit sa langue sans humeurs,
Puis appella vngung des seruiteursserviteurs siens
Luy promettant richesses/, et grans biens
255Dist. : « monMon amy ces lettres que tacoustre
Porte soubdain ieje te requiers aà nostre
(Longtemps apresaprès elle y adioustaadjousta) frere. »
En les donnant de sa dextre misere
Tomba lescript., duquel augurement
260Fut son esprit troubletroublé aulcunement
Et touteffoys aà lenuoyerenvoyer ne pert.
Le seruiteurserviteur agille et tresexpert
f. 64 r°
Choisy le temps opportun :, et sans pose
Sen va porter la lettre qui est close
265AÀ son seigneur. Caunus le ieunejeune enfant
Tresesbahy :, et de courroux ronflant
Gette lescript aà demy lict en terre,
Dist au porteur. : « fuyFuy ten de moy grant erre
Quant test licite OÔ meschant seruiteurserviteur
270De cas si ort trescelleretrescelleré aucteur.
Si ce nestoit que trop honny seroys
De te toucher., croy., Queque tu esseroys
Par mort :, la peine ores que tu merite.
Le messagier de craincte prend la fuyte
275Et au courir na iamaisjamais donnedonné cesse
Que de retour ne fust aà sa maistresse.
Luy retourneretourné ., aà la pucelle annonce
Le faict entier :, et la dure responce
Du frere sien. Lesconduyte entendue
280Pasle Biblis ta face sest rendue
Et le tien corps par glacial froit prins
De tramblement merueilleuxmerveilleux fut surprins
Touteffoys quant ta memoire tevintrevint
Ensemblement vneune fureur te vint
285Et en grant peine enuoyasenvoyas parmy lair
La voix presente et gracieulx parler.
Non sans merite. : « AÀ quelle intention
f. 64 v°
Ay ieje voullu de telle lesion
Faire lessay par trop audatieuse
290Ce que debuoisdebvois celler pour estre heureuse,
Pourquoy si tost par malheureuse lettre
Lay ieje voullu en euidanceevidance mettre ?
DeuantDevant quescripre il mettoit necessaire
Experiment par doubteux propos faire
295AÀ celle fin que neusse occasion
De poursuyuirpoursuyvir la fuyante action,
Et tout ainsi que le marinier saige
Veult essayer (craignant porter naufrage)
De son trinquet quelle part le vent tire,
300Ne plus ne moings pour fuyr mon martyre
DebuoisDebvois noter par faincte couuerturecouverture
Ce que trop tost ieje mis aà lauentureaventure,
Qui est pourquoy aà present suis conduyte
Par durs rochiers :, en faisant la poursuyte
305De paruenirparvenir au port heureulx daymer
Et que ieje suis submergeesubmergée en la mer
Sans que ma nef aye aulcune puissance
Dauoiravoir iamaisjamais de ce port iouyssancejouyssance.
Quoy plus ? alorsAlors que cõmandoiscommandois ma lettre
310Estre porteeportée :, et quelle de ma dextre
Tomber la vis :, ce me fut vngung augure
Duquel assez ieje debuoysdebvoys estre seure
f. 65 r°
De ne iouyrjouyr de lamour pretendue.
Le mien escript lesperance attendue
315A faict caducque :, et du desir loingtaine.
Nest il pas vray ? que si ijeusse esteesté saine
De mon esprit :, pour vngung tel cas entendre
Que ijeusse peu facillement comprendre
Laugur du iourjour :, ou de la voluptevolupté.
320Que dis ieje ? lung et lautre soit osteosté
Car ce fut dieu qui lors aà moy indigne
De ladueniradvenir me donna certain signe
Comme aà present tresclerement ieje voys.
Parler aà luy moymesmes ieje debuoysdebvoys
325Et luy ouurirouvrir mes fureurs :, sans commettre
Tout mon esprit :, aà vneune simple lettre ;
AÀ tout le moings en escoutant mes termes
Il eust peu veoir mes habondantes lermes
Et les faconsfaçons tristes de son amante.
330Trop plꝰplus beaucoup luy eusse esteesté dõnãtedonnante
De bons propos :, en le voyant au viz
Que ieje ne fiz lors que luy escripuizescripviz,
Encores plus aà son col reffusant
Eusse peu faire ambrassement plaisant,
335Et si par sort eust faict de moy reffuz
Il eust peu estre assez soubdain confuz
De me veoir morte :, au moins bienestonneebienestonnée
f. 65 v°
DeuantDevant ses piedz gisante prosterneeprosternée,
Le requerant de santesanté/, ou de vie,
340Et sil neust eu aulcunement enuyeenvye
Dung de ces cas aà mon vueil consentir,
Tous assemblez eussent peu conuertirconvertir
Son cruel cueur :, et son felon penser.
Le messagier la bien peu offencer
345Et du reffuz peult estre mouuementmouvement,
Ou bien vers luy nest venu aptement
Et na eslit (ainsi que ieje lentendz)
Ou convenable/, ou oportum le temps,
Ou bien il na choisy lheure du iourjour
350Que son esprit pouoitpovoit estre en seioursejour.
Ces choses cy seulles mõtont faict nuysance,
Car il na prins dung tygre sa naissance
Et en son cueur ne porte aulcunement
Le fer solide :, ou le tresdur aymant,
355Et si le cuyde homme si fort honneste
Quil na point beu du laict dune grãtgrant beste
Par les latins nommeenommée Leena
Qui de doulceur/, et petiepitié vngung brain na ;
Vaincu sera : aborder le me fault.
360Plutost en moy lesprit prendra deffault
Que mon desir soit en riens se facher
IusquesJusques aà tant que ieje puisse arracher
f. 66 r°
De son vouloir cella que ieje pensepensé
Et qui desiadesja par moy est ommencecommencé.
365Si reuocquerrevocquer les voulentesvoulentés des dieux
Fust en ma force :, ores pour mon mieulx
Ne commencassecommençasse aà tel cas entreprendre.
Puis que cest fait., et que ieje voulu prẽdreprendre
Telle aduentureadventure :, il mest besoing parfaire
370Ce quau principe ay coniectureconjecturé faire,
Car il ne peult comme il est maintenant
Estre tousiourstousjours du malfaict souuenantsouvenant
Que ieje poursuis (ce point seul cy me incite
AÀ pourchasser vngung tel cas non licite/).
375Encores si laissoys mon entreprise
IeJe seroys veue auoiravoir esteesté surprise
Dung fol vouloir conceu legierement
Pour lessayer fallacieusement,
Ou bien nauoiravoir point esteesté inciteeincitée
380Par vray amour :, ains plustost inuiteeinvitée
Par ma luxure :, aà tel mal concepuoirconcepvoir
Pour son cueur chaste assez tost decepuoirdecepvoir.
Brief ieje ne puis que ieje naye faict chose
Ou il ne soit offence grande close
385Car ijay escript :, et requis temeraire
Fut mon vouloir., et si ne se peult faire
Que naye coulpe en ce faict. DauẽtageDaventage
f. 66 v°
Mais que reste il ? deDe blasme ou de dõmaigedommaige
Ce mest tout vngung : lieu aà honte ieje cede
390Mais que du tout mon plaisir ieje possede. »
Elle se teust en si grande discorde
De son esperit et luy plaist., et sacorde
ParacheuerParachever du tout son entreprise
CombierCombien quassez luy fache lauoiravoir prise,
395Et le moyen exedant met au pis
Estre ses ditz par reffus assouppis.
Durant ce temps :, et deuantdevant que la folle
Eust mis la fin aà lamour :, qui laffolle,
Caunus sen fuyt du pays/, et du crime
400Dautre faisant trop plus beaucoup destime
Pour demeurer que nompas de sa terre.
Lors que le bruyt de son depart saserre
Dedans le cueur de la triste pucelle,
Folle deuintdevint (aumoins la fame est telle)
405Et de grant raige en tiremens resueulxresveulx
Romps ses habitz :, arrache ses cheueulxcheveulx,
Son tains tant beau :, et sa chair precieuse
Ainsi que femme hors du sens furieuse
Despesse/, et rompt par esgratinemens.
410AÀ toutes gens iaja ses actes demens
Estoyent aà veoir :, et clairement congneuz
Et le pourquoy dont ilz estoyent venuz,
f. 67 r°
Cest assauoirassavoir de ne pouoirpovoir iouirjouir
Du bien damours :, sans lequel :, le fuir
415De son pays luy fut plus gracieulx
Que demeurer en lieu si soucieulx.
Elle sen va :, cerchant meilleur refuge
Pour poursuir le sien frere profuge,
Et tout ainsi que les femmes bachides
420De bon esperit/, et dentendement vuydes
AÀ cellebrer les festes ont coustume
Du dieu Baccus qui les leurs cueurs allume,
Ne plus ne moĩsmoins parmy champs/, et par boys
Ont veu Biblis faire dolans aboys
425Celles qui sont les Bubasides dictes.
Delles partie :, aux caresCares tresinclites
Puis les vaillans liliquesLiliques se soulcye
Soubdain passer pour aller en licyeLicye.
DesiaDesja auoitavoit les undes mis arriere
430De linirenIniren plantureuse riviere
Cragon, Xanthus/, dont auoitavoit faict depart,
AuoitAvoit laisselaissé bien loing de lautre part
Et en fatigue :, et en douleur amere
AuoitAvoit passepassé le mont de la chimere
435Qui fut iadisjadis vneune terrible beste
Pource quelle eut dung fier lyon la teste,
Queue de serpent :, et de feu la poytrine.
f. 67 v°
Or iaja estoit toute lhombre siluiuesilvine
BouteeBoutée au dotz :, et tous boys iaja passez
440Quant toy Biblis pour tes membres lassez
En poursuyuantpoursuyvant dessus la terre tombes
Et lherbiz vert de ta bouche tu combles
Par ton trauailtravail aà peu presprès desiadesja morte.
SouuenteffoysSouventeffoys estant en telle sorte
445De te leuerlever :, et de te faire aydes
Mis en debuoirdebvoir se sont les legeidesLegeides.
SouuenteffoysSouventeffoys elles/, aà ton couraige
AÀ leurs propos sourt :, ont donnedonné soulage,
Te conseillant pour ta grande santesanté
450Que tel amour fust de toy absenteabsenté.
AÀ leur conseil muete/, et tresdolante
Sur la terre est Biblis tousiourstousjours gisante,
Lherbe tenant de ses ongles lors verte
Quelle a de pleurs/, et de lhermes couuertecouverte,
455Ausquelles pleurs par amytieamytié non vaine
Ont octroyeoctroyé les seurs naiades vaine
Qui ne se peult seicher en aucun temps.
Incontinant (ainsi que ieje lentends),
Comme du pin couppecouppé sort eaue molle
460Comme aussi sort de grosse terre colle
Et que deuientdevient tresmoyte/, et humide
Par le soleil :, lors que gallerne vuide
f. 68 r°
De son climat :, pour souffler doulcement
Sur le terrestre :, et pesant element,
465Ainsi Biblis comme est la renommeerenommée
En ses doulleurs et lermes consommeeconsommée
Par le vouloir de la puissance haultaine
Fut conuertieconvertie en tresclere fontaine.