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Dialogue d’ung corps et d’ung cueur amoureulx
Le corps
Que faitz tu cy maintenãtmaintenant oô mõmon cueur ?
Le cueur
Mes yeulx ieje mue en moyte liqueur.
Le corps
En larmoyant pourquoy laisse tu celle
Que pour maistresse a prins ?Le cueurIeJe ne le scelle,
5C’est que ne puis si grant froit endurer.
Le corps
Donc vient ce froit ?Le cueurDe son corps se tirer
On le peult veoir :, et son estomac gent
Est en gelleegellée :, et en naige nagantnageant.
Le corps
Reviens en moy !
f. 40 v°
Le cueurNon feray.Le corpsPourquoy esse ?
Le cueur
10Mal me ferois trop plus que ma maistresse.
Le corps
Comment cella ?Le cueurAethna en toy brusler
Ores ieje voy :, qui m’en faict reculler
De peur du feu.Le corpsTon dire est veriteverité
Mais si de toy ieje suis desheritedesherité,
15ViureVivre ne puis.Le cueurDepuis ce temps ne viz
Que d’auecavec toy departir tu me viz,
Et maintenant tu n’estes sinon que cendre,
VmbreUmbre et sommeil : ; encores dois entendre
Que nonobstant qu’il te semble auoiravoir vie,
20Qu’elle est de toy totallement rauyeravye.
Le corps
Assemble toy auecquesavecques ma challeur
f. 41 r°
Et ieje pourray auoiravoir vie et couleur.
Le cueur
IeJe ne puis pas/, car de viurevivre suis vuyde,
Mais vngung tumbeau/, ainsi comme ieje cuyde,
25Le pourra faire :, auquel escript sera
Cest Epitaphe aà cil qui passera :
« Ceulx q̄que n’a peu la vie ensemble mettre,
Cestuy tumbeau ensemble les a mys ;
Le cueur par froit/, a perdu vie/, et estre,
30Le corps par feu :, est en terre commis. »